Depuis le rachat de Twitter par le milliardaire Elon Musk, la parole semble libre sur le réseau social à l’oiseau bleu. « Fichiers Twitter », comptes débloqués, nouvelle visibilité… Mais y aura-t-il une limite à la « liberté d’expression » revendiquée par le géant américain ?
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Quoi que l’on pense d’Elon Musk et de ses projets de fonder une colonie sur Mars (SpaceX) ou d’implanter des puces dans le cerveau humain (Neuralink), le moins que l’on puisse dire, c’est que le nouveau propriétaire de Twitter est à la hauteur de sa réputation de libertaire. et a tenu sa promesse de déverrouiller l’oiseau sifflet.
Retour à la normale (presque)
Un mois seulement après la prise de contrôle du réseau social américain, de nombreux comptes suspendus ont brutalement réapparu, le plus célèbre d’entre eux étant bien sûr celui de l’ancien président des États-Unis, Donald Trump, blacklisté de la plateforme depuis l’assaut du Capitole. en janvier 2021. Néanmoins, tous les comptes ne semblent pas se rétablir à la même vitesse et certains scientifiques, médias et autres personnalités censurés s’impatientent un peu. Gageons qu’ils seront bientôt débloqués…
BONJOUR @Elon Musk ! C’est bien cette semaine que tu devais rétablir nos deux comptes médias @putsch_mag et @PutschMedia sur @TwitterFrance injustement suspendus ??? #censurer #VoxPopuliVoxDei #rendeznousPutsch #ELON MUSK Merci de RT !!! pic.twitter.com/bAQzvjnZSr
— Nicolas Vidal (@nicolasputsch) 2 décembre 2022
Il y a un an, des scientifiques ont été suspendus pour avoir dit :
🔸 Covid pas plus meurtrier que la grippe
🔸 Aucune preuve de l’efficacité du masque
🔸 Aucune preuve pour les boosters
🔸 Risque de myocardite pour Covid vaxCes scientifiques sont toujours suspendus.
Vox populi vox dei, @Elon Musk?– Dr Eli David (@DrEliDavid) 3 décembre 2022
Le Dr Robert Malone est le co-inventeur de la technologie des vaccins à ARNm. Il a été suspendu pour avoir écrit sur les effets secondaires du vaccin Covid, qui sont aujourd’hui des faits établis.@Elon Muskc’est dommage que lui et des scientifiques similaires restent suspendus !#ReinstateScientists pic.twitter.com/vMZgIJQG68
– Dr Eli David (@DrEliDavid) 7 décembre 2022
D’autres utilisateurs, dont les avis étaient jusque-là jugés non conformes aux règles de la communauté (notamment concernant la crise du Covid), ont pu se réjouir d’un retour à la normale, avec un regain de visibilité et une augmentation du nombre de followers. De quoi se réjouit le patron de Twitter.
je note que depuis quelques jours on dirait que @Twitter ne supprime plus d’abonnés ?
Vous avez aussi remarqué ?@CaudeHenrion @StatChrisCotton @THEVENONPierri1 @provost_patrick @PavanVincent @louisfouch3 @MichelJeanDomi1 @mmtchi @marseille_jeff @EmmaDarles @decoder_l— Hélène Banoun (@BanounHelene) 4 décembre 2022
Tant de messages intéressants sur Twitter ces jours-ci !
– Elon Musk (@elonmusk) 5 décembre 2022
À l’autre extrémité du spectre, les Twittos mécontents ont quitté le navire peu de temps après la prise de contrôle, en signe de désaccord avec le nouveau capitaine. C’est un jeu équitable.
Carton rouge pour Kanye West
Pourtant, le libertarianisme d’Elon Musk a rapidement atteint sa limite avec le cas du rappeur Kanye West, dont les propos antisémites ou nazis répétés lui avaient déjà valu une suspension. Lorsqu’il a repris Twitter, le milliardaire a réintégré son compte comme beaucoup d’autres. Pourtant, le rappeur américain a tout de suite recommencé (et pas seulement sur Twitter). Sa dernière publication, une photo d’une croix gammée entrelacée de l’étoile de David, a contraint Elon Musk à sortir de sa réserve et à brandir le carton rouge en suspendant immédiatement le compte du chanteur le 2 décembre. « J’ai fait ce que j’ai pu », il a tweeté dans un commentaire. Malgré cela, il [Kanye West] a de nouveau enfreint notre règle sur l’incitation à la violence.
ELON FIX KANYE S’IL VOUS PLAÎT
– Alex 🃏🏝 (@TheeAleexJ) 2 décembre 2022
Cette décision radicale a évidemment provoqué de très vives réactions chez les abonnés, dont certains reprochent à Musk d’avoir un double discours sur la liberté d’expression, se permettant de changer les règles comme bon lui semble. En tout cas, cela prouve que lui aussi a ses limites.
Néanmoins, Elon Musk continue de miser sur la liberté, non seulement d’expression, mais aussi d’accès aux comptes, et reste convaincu que cela joue en faveur d’une modération naturelle, notant que plus il y a d’utilisateurs sur Twitter, moins les discours de haine ont une portée, la positivité l’emportant finalement sur la négativité. L’expérience vaut au moins la peine d’être faite.
Les impressions de discours de haine (nombre de fois que le tweet a été visionné) continuent de baisser, malgré une croissance significative du nombre d’utilisateurs !@TwitterSafety publiera des données chaque semaine.
La liberté d’expression ne signifie pas la liberté d’accès. La négativité devrait et aura moins de portée que la positivité. pic.twitter.com/36zl29rCSM
– Elon Musk (@elonmusk) 2 décembre 2022
« Vox populi, vox Dei
Il est également intéressant d’observer l’utilisation a priori démocratique par Elon Musk des sondages en ligne pour prendre certaines décisions. « Vox populi, vox Dei » (la voix du peuple est la voix de Dieu) a-t-il annoncé à ses abonnés au moment du scrutin pour décider du sort du compte de Donald Trump. Le « oui » l’ayant emporté par 51,8 %, le compte a été réintégré. Cela dit, Musk s’était engagé à le réintégrer bien avant sa prise de contrôle effective de la plateforme, on se demande donc ce qu’il aurait fait en cas de résultat négatif…
Plus récemment, une autre enquête a fait les manchettes. Le patron de Twitter a demandé à ses abonnés s’ils voulaient que Julian Assange et Edward Snowden soient graciés. Au moment où nous écrivons, la réponse est 80,5% « oui » avec plus de 3,3 millions de votants ! Mais qui sait ce qui sera fait de ce résultat ?
Je n’exprime pas d’opinion, mais j’ai promis de mener ce sondage.
Assange et Snowden devraient-ils être graciés ?
– Elon Musk (@elonmusk) 4 décembre 2022
La révélation des « fichiers Twitter
Autre promesse honorée par Elon Musk : la transparence sur les « fichiers Twitter ». Les révélations ont commencé vendredi dernier par une série de tweets expliquant comment la diffusion de l’article d’octobre 2020 du New York Post sur l’affaire des e-mails de Hunter Biden avait été entravée par la plateforme. « Twitter a pris des mesures extraordinaires pour supprimer l’article, en supprimant les liens et en affichant des avertissements indiquant qu’il pourrait être » dangereux « . Ils ont même bloqué sa transmission par message direct, un outil auparavant réservé aux cas extrêmes, comme la pédopornographie », a écrit Matt Taibbi, l’un des deux journalistes autorisés à accéder aux enregistrements.
17. Le 14 octobre 2020, le New York Post a publié BIDEN SECRET EMAILS, un exposé basé sur le contenu de l’ordinateur portable abandonné de Hunter Biden :
– Matt Taibbi (@mtaibbi) 3 décembre 2022
Sans entrer dans les détails de ce fil, on apprend au passage que les demandes de suppression de contenus gênants par l’un ou l’autre des deux partis politiques américains étaient devenues monnaie courante au fil du temps. De manière peu équilibrée cependant, les démocrates ayant plus d’influence que les républicains au sein de Twitter, car ils y versent massivement plus d’argent.
9. Les célébrités et les inconnus peuvent être supprimés ou revus à la demande d’un parti politique : pic.twitter.com/4uzkHnQ65E
– Matt Taibbi (@mtaibbi) 2 décembre 2022
Le feuilleton des « fichiers Twitter » n’est pas terminé et d’autres révélations sont à venir au fur et à mesure que les fichiers sont décortiqués…
Une liberté qui dérange
Avec Elon Musk, cette ère de la censure devrait être révolue. C’est du moins ce qu’il dit. Mais cette belle liberté qu’il chérit tant n’est pas du goût de tout le monde et certaines personnalités politiques ont déjà commencé à grincer des dents, du moins en France et en Europe.
Le 1er décembre, le quotidien Le Monde a publié un article intitulé « Twitter : Emmanuel Macron estime que la fin de la lutte contre la désinformation liée au Covid-19, décidée par Elon Musk, est « un gros problème ». Le président français a même précisé qu’il était « favorable à l’exact opposé, plus de régulation ». Cela a le mérite d’être clair.
La veille, le commissaire européen au marché intérieur, le français Thierry Breton, avait déclaré que pour se conformer aux règles européennes en matière de lutte contre la désinformation, Twitter devait « renforcer significativement la modération des contenus, protéger la liberté d’expression et lutter contre la désinformation avec détermination ». Cherchez l’erreur ! Face à une figure de style aussi antinomique, typique du macronien « en même temps » et de la novlangue actuelle, on imagine aisément Musk éclater de rire. Et gageons que son choix est déjà fait : ce sera la liberté ou rien.
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